Calendrier de l’avent : 8

3

Manhattan

30 Mai 2012

08 h 32 pm

The taxi cabs driving me crazy

How come dey always leaving me

Oh yes the young man drive away

Quick quick when he hears me say

One twenty-fifth and Lenox please

Don’t you know

The taxi gone with the breeze

Sixteen miles I walk, walk, walk, walk

Waiting on a taxi here in New York

Harry Belafonte : New York Taxi

            — Je te dois des explications, dit Peter en prenant la main de Lisa.

            Complètement sonnée, elle ne répondit pas tout de suite et regarda par la vitre pour se donner un moment de réflexion. La 8th Avenue lui parut déserte. Pourtant à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, du monde se pressait sur les trottoirs. Même les roulottes de nourriture semblaient l’avoir désertée. Elle rêvait, ce n’était pas possible autrement. Elle s’éclaircit la gorge et se tourna vers l’ami de son père. Peter devina ses pensées et lui sourit.

            — Non, tu ne rêves pas, et je suis bien mort. Tu vois mon fantôme.

            — Si je ne rêve pas, dit Lisa à haute voix, si tu es mort, alors j’en déduis que je suis morte aussi. Un chauffard a voulu éviter les photographes, il m’a renversée et m’a tuée sur le coup. Toi, tu es venu m’accueillir comme le plus fidèle ami de la famille. Mais au lieu de marcher dans un tunnel blanc, nous roulons dans un taxi jaune sur la 8th Avenue en direction du Madison Square Garden qui doit être la porte du paradis, ou plutôt du purgatoire.

            Le sourire de Peter s’agrandit.

            — Excellente déduction, digne de la policière que tu es. Mais tu te trompes, tu ne rêves pas, tu es vivante et moi je suis bien mort.

            Lisa lui jeta un regard rempli d’incompréhension, son visage s’assombrit.

            — Alors, explique au lieu de te moquer de moi.

            — Promets-moi de ne pas m’interrompre avant que j’aie fini. Après tu pourras poser toutes les questions que tu veux. Et il est possible que je ne possède pas les réponses.

            Lisa hocha la tête tandis que le taxi se frayait un passage entre les rares voitures. Peter regarda droit devant lui et commença :

            — Tu es toujours dans New York, mais sur un autre plan. Ici, il n’y a des personnes mortes ou plutôt leurs fantômes. Nous vivons dans ce monde car notre mort a été brutale : assassinats, suicides, violences ou autres. Aucun de ceux que tu verras n’est mort de vieillesse dans son lit.

            Il marqua un temps. Lisa se mordit les lèvres pour ne pas prendre la parole.

            — Ne me demande pas trop pourquoi, continua Peter sans voir le trouble qu’affichait la jeune femme, je n’en sais rien. Quand je suis mort, je me suis retrouvé sur la 20th Rue et un autre policier m’attendait pour m’expliquer. Les morts sont plus accueillants que les vivants. Comme tu le vois, New York reste New York, je vis chez moi, mais seul, sans ma femme ni mes deux filles. Je porte le même costume depuis ma mort, il ne se salit jamais. Je passe mes journées à me promener et à discuter avec d’autres morts. Je n’avais jamais autant parlé de toute ma vie.

            Il s’arrêta à nouveau. Lisa resta un instant sans voix avant de lâcher :

            — Et cet état va durer longtemps ?

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