Archives de catégorie : Livres sur New York

Calendrier de l’avent : 24

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Il était là assis par terre, la regardant derrière ses petites lunettes rondes. Il était toujours aussi jeune. Lisa sentit une boule dans son ventre : John Lennon était à ses pieds et elle ne trouvait pas les mots pour lui parler.

— Vous êtes libre, balbutia-t-elle. Si vous le voulez, on peut vous amener au Madison Square Garden, vous y êtes attendu pour préparer le spectacle.

John Lennon se leva et voulut embrasser Lisa, mais il passa à travers elle. La jeune femme ne put s’empêcher de sourire en voyant la mine déconfite de l’artiste.

— Mais vous êtes vivante.

— Oui, dit Lisa, et permettez-moi de vous dire que vous êtes un des plus grands musiciens et que je vous ai toujours admiré. Quand je le peux, je joue vos chansons dans un pub, surtout celle sur New York, et Imagine bien entendu…

Elle s’était lancée comme cela sans réfléchir. Mais quand elle eut fini, elle se trouva ridicule, complètement ridicule.

— Excusez-moi, je dois être ridicule. Je suis impressionnée d’être là devant vous. Tout à l’heure c’était devant Marilyn Monroe que je me trouvais.

— Comment va-t-elle ? demanda Lennon.

— Elle vous attend pour chanter avec vous.

Lisa l’entraîna dans le salon où se tenaient Peter et Houdini. En arrivant à sa hauteur, Lisa ne put s’empêcher de demander au magicien :

— Pourquoi cet enlèvement ?

— Parce qu’il n’y en a que pour les musiciens ! s’emporta Houdini. Chaque année, c’est pareil. On réserve ce spectacle aux musiciens, pas aux autres artistes. Et nous n’existons pas, nous ne sommes rien ! Des milliers de personnes ont assisté à mes exploits, mais aujourd’hui, parce que je ne chante pas, parce que je ne joue pas d’un instrument, je ne suis bon à rien. On m’oublie. Et l’oubli, c’est ce qui existe de pire pour un fantôme. Même mon musée est vide. Alors cette année, j’ai décidé de frapper un grand coup. J’allais montrer que je suis un artiste, un vrai. Lors du spectacle, je serais monté sur scène et j’aurais fait apparaître John Lennon de façon spectaculaire.

Il s’arrêta et regarda les trois visages, eut une petite moue et leur jeta à la figure :

— Que peuvent comprendre à mon art deux policiers obtus et une star adulée ? Vous allez m’arrêter ? Non, alors je m’en vais et bon vent pour votre concert, mais ne comptez pas sur moi pour l’écouter !

— Attendez ! lança John Lennon. Vous avez raison, nous avons trop pensé à nous. Pourquoi ne pas réaliser un spectacle avec tous les arts ? Demander à des danseurs de créer un ballet sur notre musique, à des peintres de décorer la scène, à des artistes de cirque de nous y  rejoindre sur la scène. Nous avons encore quelques jours pour le préparer.

— Vous êtes sérieux ? répliqua Houdini.

— Tout ce qu’il y a de plus sérieux. J’ai même des idées qui se bousculent dans mon cerveau.

— D’accord, lâcha Houdini, je suis votre homme.

John Lennon se tourna vers Lisa et lui dit :

— Merci de m’avoir délivré, si je peux faire quelque chose pour vous…

Lisa prit sa respiration et lâcha dans un souffle.

— Il me reste quatre heures avant de rejoindre mon monde. Si je pouvais vous entendre chanter une fois, je n’étais même pas née pour assister à vos du concert du Madison Square Garden. Et si j’osais…

 — Osez !

— J’aimerais vous accompagner au piano pendant que vous chantez New York City.

— Allons de suite au Madison. Ne perdons pas de temps.

Il se tourna vers Houdini et lui demanda :

— Vous venez avec nous ?

— Bien sûr !

Calendrier d’ l’avent : 23

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Elle sourit en pensant qu’elle ne se trouvait pas avec le Diable, mais avec des fantômes. Il était surtout l’immeuble devant lequel John Lennon avait été assassiné.

De l’autre côté de la rue, en entrant dans Central Park, Yoko Ono avait fait construire un mémorial dédié à son mari, le Strawberry field. Il avait la forme d’un triangle dont le cœur était constitué par des symboles représentant la paix, avec au centre le mot : IMAGINE, titre de l’une de ses chansons les plus célèbres. Et depuis, de nombreux admirateurs s’y recueillaient, chantaient ou déposaient des fleurs, des bougies.

Lisa regarda l’immeuble, elle l’avait contemplé un nombre incalculable de fois, mais jamais elle n’avait pu pénétrer à l’intérieur, c’était réservé aux propriétaires et à leurs invités.

— Tu peux savoir où se trouve l’appartement de John Lennon ? demanda-t-elle.

— Cela ne doit pas poser de problème, c’est celui de sa femme. Viens avec moi, nous y entrerons sans problème.

— Tu as raison, je me croyais encore dans mon monde, mais aucun gardien pour m’empêcher d’entrer.

C’est avec une petite appréhension qu’elle franchit le seuil, mais personne ne se précipita pour les refouler. Peter regarda la liste des habitants et la conduisit jusqu’à l’appartement de Yoko Ono.

— Comment je vais entrer ? dit-elle en restant devant la porte les bras ballants.

Peter sourit.

— Tu n’es plus dans ton monde. Même si dans celui-ci la porte est fermée et Yoko Ono se trouve à l’intérieur, tout est ouvert. I tu vois une personne, ce sera un fantôme. Tu es la seule vivante dans notre ville pour encore quelques heures.

Lisa abaissa la poignée et la porte s’ouvrit sans la moindre difficulté. Elle pénétra à l’intérieur, suivie par Peter.

Elle arriva dans une pièce immense avec en son centre une cheminée en pierre. Briques apparentes, hauts plafonds et poutres en bois se combinaient avec de vastes murs blancs et des planchers de bois. Mais l’appartement était vide, pas un meuble, rien qui montrait une présence humaine.

— Tu es sûr que c’est le bon ? On dirait que plus personne ne l’habite.

— Oui, c’est bien l’appartement de John Lennon, peut-être que Yoko Ono a déménagé.

Ils s’avancèrent dans l’immense pièce vide et s’arrêtèrent. Face à eux, assis dans un fauteuil, un homme les fixait d’un regard hypnotique. Lisa mit une fraction de seconde avant de le reconnaître : Houdini.

Il n’avait pas changé, il était le même que sur les affiches et les photos dans son musée.

— Bonsoir Monsieur Houdini, dit-elle en s’approchant de lui. Pourriez-vous nous dire où vous gardez prisonnier Monsieur Lennon ?

— Qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas un fantôme, comment se fait-il qu’une vivante soit ici et me parle ?

— Je suis Lisa Kilpatrick, police de New York.

Houdini se leva et fit une révérence ironique devant Lisa.

— Et depuis quand les vivants peuvent-ils venir nous importuner ?

— C’est moi qui ai été la chercher, grâce au Manhattanhenge comme nous le pouvons, dit Peter en s’avançant à son tour. Je voulais qu’elle retrouve John Lennon.

— Je ne sais pas comment vous vous y êtes pris, mais vous avez réussi. Pas la peine de vous mentir, il est ici, enfermé dans la salle de bain, à l’autre bout de la pièce. Vous allez m’arrêter et m’enfermer dans une prison ?

Houdini partit d’un grand éclat de rire.

— Déjà quand j’étais humain, poursuivit-il, aucune prison, aucun cercueil, aucune camisole n’ont pu me garder bien longtemps, alors maintenant que je suis un fantôme, vous ne pouvez rien contre moi.

Lisa passa devant lui sans répondre. Elle ouvrit la porte.

Calendrier de l’avent : 22

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Manhattan

31 Mai 2012

0 h 13 am

Standing on the corner
Just me and Yoko Ono
We were waiting for Jerry to land
Up come a man with the guitar
in his hand
Singing « have a marijuana if you can »
His name was Davis Peel
And we found that he was real
He sangs « The pope smokes
dope everyday »
Up come a police man shoved
us up the street
Singin, « power to the
people today! »

NYC…NYC…NYC
Que pasa NY?…Que pasa NY?

Debout au carrefour

Juste Yoko Ono et moi

Nous attendions que Jerry atterrisse

Et voilà qu’arrive un homme avec une guitare

à la main

Chantant « Prends une marijuana si tu peux »

Son nom était Davis Peel

Et nous avons réalisé qu’il était réel

Il chantait « Le pape fume

de la dope tous les jours »

Et voilà qu’arrive un policier nous poussant

plus loin sur la rue

Chantant « Le Pouvoir au

peuple aujourd’hui !»

NYC… NYC… NYC

Que se passe-t-il NY ?… Que se passe-t-il NY ?

John Lennon : New York City

Le Dakota Building s’élevait au coin nord-ouest de la 72th Rue et de Central Park West. Sa construction avait été achevée en 1884. Il était bâti autour d’une cour et, à l’époque, sa porte d’entrée pouvait laisser passer un attelage de chevaux. Ses appartements avaient été vendus rapidement car, pour la bourgeoisie new-yorkaise, c’était à la mode d’habiter ce genre d’immeubles de haut standing. Lisa se souvint qu’il était le gratte-ciel du film de Polanski Rosemary’s baby.

Calendrier de l’avent : 21

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Peter fixa Lisa et lui demanda :

— Pourquoi là-bas ?

— Une idée. Je t’expliquerai en arrivant.

— Attends, si je te suis, tu veux voir l’appartement où vivait John Lennon ?

— Tu as lu la nouvelle de Poe où tout le monde cherche une lettre compromettante ?

— Non. Cela ne me dit rien. Mais tu sais… la lecture et moi…

— Des personnes cherchaient une lettre qui devait être dissimulée dans un appartement. Ils ont tout fouillé, tout sondé, mais rien. Arrive le détective, qui raisonne différemment et comprend que la lettre n’a pas été cachée, mais au contraire bien mise en évidence par le coupable. Et il la découvre, froissée, avec une autre écriture et pliée à l’envers. Elle était bien en vue et les policiers ont pensé qu’elle n’avait aucune valeur.

— Tu crois que John Lennon se trouve là ?

— Je n’en sais rien, je cherche. Et le temps joue contre nous, alors autant bouger et suivre toutes les pistes.

Calendrier de l’avent : 20

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— Là, tu m’en demandes trop, il faudrait trouver Houdini, s’il est bien dans cette ville et nous lui poserons la question. Seulement moi, je ne peux rien. Toi seul peux le retrouver.

Peter eut un petit rire.

— Les fantômes n’apparaissent pas sur les caméras vidéo, et je ne me vois pas lancer un appel pour le retrouver. Je n’ai même pas de radio, rien, nous sommes tous les deux.

Lisa regarda sa montre. Il était bientôt minuit. Le soleil se lèverait dans à peu près six heures. Quelques heures pour retrouver le magicien qui pouvait se cacher n’importe où dans New York.

— Si on n’y arrive pas, ce n’est pas grave, dit Peter, au moins nous savons que nous sommes toujours immortels. Si Lennon a disparu ou s’il a été kidnappé, c’est notre problème, au moins je suis rassuré. Si jamais on peut laisser tomber cette enquête et profiter des heures qui nous restent pour se promener et discuter avant que je te ramène au point de départ.

Lisa hésita et finit par lâcher :

— Non, maintenant que je suis lancée, j’irai jusqu’au bout pour trouver la solution.

— Tu es vraiment comme ton père, un vrai pitbull qui ne lâche rien.

— Oui, j’aimerais connaître le fin mot de cette histoire. Tu ne sais vraiment pas comment on pourrait mettre la main sur Houdini ?

— Franchement, non.

— Commençons par fouiller ce musée, il existe peut-être une pièce cachée ou un passage secret, cela lui ressemblerait.

Ils eurent beau regarder dans tous les coins, sonder les cloisons, ouvrir toutes les armoires, ils ne trouvèrent aucune cachette, aucun indice. Mais Lisa ne fut pas étonnée, un magicien ne divulguait jamais ses tours. Et toujours aucune présence de fantôme.

— C’est amusant, dit Lisa, je viens de lire que toute sa vie Houdini a poursuivi les spirites, qu’il traitait d’escrocs. Il ne croyait pas que les morts pouvaient revenir parler aux vivants. Cela a dû lui faire drôle de se retrouver dans ce monde.

— Il avait raison, nous ne pouvons avoir aucun contact avec vous. Sauf pendant ce Manhattanhenge. Et encore, une seule personne à la fois.

— Nous ne trouverons rien ici, lâcha Lisa d’un ton fataliste. De toute façon, si Houdini a enlevé Lennon, il ne va pas le garder prisonnier dans son musée.

Ils quittèrent les lieux et montèrent dans le taxi.

— Merci de nous avoir attendus, dit machinalement Lisa.

Le chauffeur eut un petit rire en répondant.

— J’ai toute l’éternité devant moi, alors deux ou trois minutes de plus, ce n’est rien. Où allons-nous ? Un tour dans New York by night ?

— Non, au Madison Square Garden comme nous en avions l’intention au début.

— Vous voulez assister à la répétition, lança le chauffeur en accélérant. J’espère que ce sera mieux que l’an dernier, faut dire que je ne suis pas un fan d’opéra. Mais je me suis pratiquement endormi.

— Il est possible que cette année le concert soit annulé, dit Peter.

— Pourquoi ?

Pendant que Peter lui expliquait la situation, Lisa regarda par la vitre, c’était bien New York qu’elle voyait, mais un New York comme au ralenti, un New York de cinéma. Elle se souvint d’une vidéo d’un amateur qui avait filmé les rues et les avenues vides, pas de voitures, pas d’hommes et de femmes. Elle s’était demandée comment il avait pu la réaliser. Car pour elle, New York était synonyme de vie intense. La voix de Peter la tira de sa rêverie.

— Nous sommes arrivés.

Au moment où elle ouvrait la portière, Lisa vit Edgar Allan Poe quitter le Madison Square Garden. Soudain une idée traversa son esprit. Elle dit au chauffeur d’un ton sans réplique :

— Conduisez-nous au Dakota Building.

— Pas de problème, c’est vous les patrons.

Calendrier de l’avent : 19

Manhattan

30 Mai 2012

11 h 43 pm

Téléphone de la cabine
J’te présenterai ma frangine cocaïne
Viens becqueter dans ma cuisine
Tu goûteras à ma copine protéine
Si tu swingues dans le timing
T’auras droit aux multivitamines
New York, New York, New York…

Si tu es dans la détresse
J’te présenterai une gonzesse qui caresse
Qui t’fait cracher tes dollars
A peu près comme un tubard ses kleenex
Si t’es pas dans le tempo
Elle t’éponge, et puis ciao, ça presse
New York, New York, New York…

Bernard Lavilliers : Rock City

— Stop ! hurla soudain Lisa.

Le taxi pila brutalement,  derrière lui, personne pour klaxonner. Lisa sortit et resta un instant au milieu de la rue. Elle se trouvait à l’angle nord-est de la 7th Avenue et de la 33th Rue. Peter descendit à son tour et la rejoignit, il regarda dans la même direction et aperçut le Houdini Museum.

— Est-ce qu’Houdini fait partie des fantômes de New York ? demanda-t-elle.

— Je n’en sais rien, dit Peter. Je ne les connais pas tous. Nous devons être des millions. Pourquoi cette question ?

Lisa ne répondit pas. Elle traversa la rue, non sans avoir regardé machinalement à gauche et à droite et pénétra dans le musée suivie par Peter qui indiqua au chauffeur de les attendre. Les lieux étaient vides. Elle s’arrêta devant un cercueil d’où s’était évadé Harry Houdini en 1907, alors qu’il était menotté, après avoir répondu favorablement aux organisateurs du marathon de Boston. Il ne lui avait fallu que soixante-six minutes pour réaliser cet exploit.

Ils continuèrent de visiter les différentes pièces sans rencontrer âme qui rode. Ce musée était dédié à la gloire du plus grand des magiciens, comme il se proclamait. Lisa étudiait les habits, les affiches et une idée fit son chemin dans son esprit.

            — Lennon n’est pas mort, dit-elle devant le portait du célèbre magicien.

— Tu penses qu’il est toujours là, parmi nous ?

— Si je suis ta logique et celle de Charlie Parker, oui. Tu m’as dit qu’un fantôme ne pouvait pas mourir. Alors je pense plutôt à un enlèvement ou à une disparition volontaire.

— Des centaines de personnes étaient présentes dans la salle, et lui seul sur la scène. Il a disparu comme par enchantement.

— Les projecteurs ont détourné l’attention. Regarde ici, Houdini a été capable de s’évader, même enfermé dans un cercueil. Alors il a très bien pu faire disparaître Lennon. En plus sur la scène du Madison Square Garden, il doit exister des possibilités pour un magicien de truquer le plateau.

— Mais pour quel mobile ?

Calendrier de l’avent : 18

— Toi le premier.

Peter hésita avant de répondre.

— Ne me dis pas le contraire, continua Lisa, je le lis sur ton visage. Ce n’est pas une vie, si je puis dire.

— Tu as raison, nous avons tous des envies de suicide, mais cela nous est impossible, la mort, la vraie nous est inaccessible. Et c’est peut-être l’enfer ici, pas le purgatoire. Mais cela ne résout pas notre problème.

— Tu te trompes. Si John Lennon n’a pas été tué, on l’a enlevé ou alors il a disparu de lui-même. Retournons au Madison Square Garden. Je veux revoir les lieux, je suis sure que la solution s’y trouve.

Elle se leva et descendit les marches, Peter la rejoignit.

— On peut prendre un taxi ? demanda-t-elle, je n’ai pas envie de retourner dans le métro, cela me donne le cafard.

— Pas de problème, il y aura bien un chauffeur fantôme qui nous verra. Il faut attendre un peu plus que dans ton monde.

Un taxi s’arrêta au bout de deux minutes. Ils montèrent à l’arrière et Peter lui demanda de les conduire au Madison Square Garden.

— Pour le métro, je pense comprendre le fonctionnement, dit Lisa, vous prenez le même que pour les vivants, mais vous ne les voyez pas et eux non plus. Mais pour les taxis, je ne saisis  pas. Pourquoi des fantômes continuent à les conduire ?

— Parce qu’ils ne savent rien faire d’autre, répondit Peter, passer des heures assis sur un banc devant la statue de la Liberté, cela va un jour. Eux au moins ils ont un but : conduire des fantômes, discuter avec eux. Moi je n’ai rien, je passe mes journées à me promener. Les artistes, eux, sont peut-être ceux qui ont le plus de chance, ils peuvent continuer leur art.

— Ce n’est pas ce que pensait Charlie Parker.

— Disons que c’est l’idée que j’avais mais peut-être que c’est aussi dur pour eux.

Calendrier de l’avent : 17

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— Bonjour, dit Lisa, superbe prestation, j’aurais bien aimé vous accompagner, mais je ne joue que du piano.

            Les deux hommes la regardèrent d’un air étonné.

            — Vous n’êtes pas morte ? lâcha Charlie Parker.

            — Non, je suis vivante, mais je joue bien du piano.

            — Que faites-vous là ? Vous n’êtes pas venue m’écouter uniquement pour le plaisir.

            — Non, répondit Lisa en le regardant droit dans les yeux. Je suis dans votre monde pour retrouver John Lennon, pour qu’il puisse donner son spectacle.

            Un petit sourire ironique apparut sur le visage de Charlie Parker.

            — C’est moi qui l’ai fait venir, dit Peter, ce n’est pas tous les jours qu’un fantôme disparaît de cette façon. Nous devons savoir ce qui est arrivé à Lennon.

            — Et vous pensez que je suis, nous sommes, nous les jazzmen, responsables.

            — L’idée m’est venue, répliqua Lisa d’un ton sec en retrouvant ses réflexes de policière. A vous de me prouver mon erreur.

            — Des noirs qui enlèvent un musicien blanc par jalousie ? lâcha Charlie Parker. Les policiers ne changeront jamais. Après moi, vous irez voir les rappeurs, encore des noirs, toujours les noirs.

            — Tu te trompes, dit Peter, blanc ou noir, peu importe. Ce qui est grave, c’est la disparition d’un des nôtres. Imagine que ce ne soit qu’un début, que nous nous volatilisions les uns après les autres.

            — Et bien tant mieux, j’approuverais. Si quelqu’un possède ce pouvoir, alors qu’il commence par moi. J’en ai assez d’être dans cette ville. Que j’aille en enfer m’importe peu, mais ici je n’en peux plus. Alors non, je n’ai pas fait disparaître Lennon. Si j’en avais eu la possibilité, j’aurais commencé par moi. En plus, je l’aime bien ce mec, il a de bonnes idées de chansons et il est sympa. Vous pouvez aller voir ailleurs. Je n’y suis pour rien.

            Lisa se tourna vers l’autre saxophoniste qui leva les mains au ciel en brandissant son instrument.

            — Pareil. Vous pouvez me croire. Je n’ai rien contre John, au contraire je devais jouer avec lui lors du concert. Imaginez moi sur la scène du Madison Square Garden, mon rêve.

            Lisa hésita un instant, elle regarda les deux hommes et leur dit :

            — Vous n’auriez aucune idée sur cette disparition ?

            Les deux saxophonistes hochèrent négativement la tête.

            — Je vous remercie, lâcha-t-elle un peu dépitée.

            Alors qu’elle se retournait, Charlie Parker lui lança :

            — Si jamais on se retrouve ici, je ferais un bœuf avec vous, et on trouvera un piano.

            Lisa lui répondit avec un sourire :

            — J’espère que ce sera le plus tard possible.

            Un grand rire accompagna Lisa et Peter dans le couloir.

  • Nous sommes revenus à notre point de départ, dit Peter, et le temps tourne.

Lisa avançait, les traits tirés. Elle se dirigea vers les escaliers qui menaient à l’air libre. Ils sortirent dans le quartier de Wall Street. Peter n’osait pas parler, il voyait que Lisa réfléchissait et il ne voulait pas interrompre ses pensées.

Finalement, ils arrivèrent devant la statue de George Washington et s’assirent sur les marches.

— Quelque chose m’échappe, j’ai l’impression de faire fausse route depuis le début, lâcha-t-elle soudain.

— Je suis désolé mais je ne peux pas t’aider plus. Je pensais qu’il s’agissait d’une rivalité entre musiciens. Tu crois que Sid, Charlie et les autres sont innocents ?

— Oui, Charlie a mis le doigt sur un point essentiel : si l’un d’eux avait trouvé le moyen de tuer un fantôme, il se serait suicidé.

Elle se tourna vers Peter, le regarda droit dans les yeux et dit :

Beautiful Boy : un grand roman sur New York et sur John Lennon !!

Pour lire l’article : Beautiful Boy : un grand roman sur New York et sur John Lennon !! – Baz’art : Des films, des livres… (baz-art.org)

.. Il y a un an, tu étais mourant sur un lit d’hôpital infect, à cause du palu,. Et maintenant, regarde ! Je t’ai saupoudré de poussière de Beatles »

Aujourd’hui, 8 décembre 2020,  cela fait tout juste  quarante ans  que John Lennon a été assassiné à l’âge de 40 ans, au pied du fameux Dakota Building qui sert de décor au roman  « Beautiful Boy”  en hommage à  la chanson de Lennon qui donne son titre au livre de Tom Barbash . Dans ce New York de la fin des années 70, début des années 80, le Dakota Bulding est un immeuble réputé pour sa facade sublime et pour avoir été entre autres stars notoires,  la résidence de John Lennon et Yoko Ono.  
John Lennon, irradie le livre de sa présence.mais les personnages principaux sont un père et son fils de la famille Winter, Buddy, ancien présentateur de talk show qui se remet  à peine d’une dépression nerveuse et le fils Anton, revenu malade du paludisme  d’une expédition en Afrique..Buddy aimerait revenir sur le devant de la scene en y invitant John Lennon et demande de l’aide à son fils de l’aider à remonter sur scène et de, retrouver les plateaux.

Ce joli roman permet de revivre cette année 1980 comme si on y était  dans une atmosphère faussement légère aux côtés de quelques New Yorkais privilégiés et célèbres.

Grâce à un sens aigu du dialogue et du détail, Tom Barbash, avec la jolie complicité  de la traductrice Hélène Fournier, nous raconte cette famille aisée de l’intelligentsia américaine.

“Beautiful Boy” est un grand roman sur New York, sur la relation père-fils, sur ce début des années 80 de tous les possibles,  sur les dérives de la célébrité avec une galerie de personnages à la fois terriblement humains et profondément attachants .  Et puis, least but non last, cela nous donne envie de réécouter du Lennon, détail non négligeable ! 

Beautiful boy, Tom Barbash, Hélène Fournier, Albin Michel,septembre 2020.

Calendrier de l’avent : 7

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Lentement, comme une star qui se sait attendue par ses fans, le soleil avança à son rythme entre la rangée de gratte-ciel. Tout autour de lui, le ciel orangé l’entourait. Insensible au charme du spectacle, un policier hurla à un groupe qui squattait sur la rue :

— Dégagez ou je vous embarque !

Ils prirent encore quelques photos avant de revenir sur le trottoir. Lisa savait que le policier aurait mis sa menace à exécution si les curieux n’avaient pas obéi.

Enfin le soleil arriva au milieu de la rue.

Lisa le regarda et fut éblouie. Elle mit la main devant ses yeux et tituba légèrement. Elle réussit à s’appuyer contre le mur d’un immeuble. Quand elle ouvrit les yeux, tout était noir autour d’elle.

Elle faillit hurler qu’elle était aveugle, mais elle calma les battements de son cœur qui s’affolait et referma les paupières. Elle les rouvrit. La couleur orange avait remplacé l’obscurité et, petit à petit, la vue lui revint. Elle remarqua qu’il y avait moins de monde qu’avant son éblouissement. La foule s’était clairsemée et le soleil avait disparu de la rue. Les amateurs de sensations avaient quitté les lieux. Son malaise semblait avoir durer plusieurs minutes alors que pour elle, il s’était produit juste quelques secondes avant. Elle regarda sa montre qui lui confirma que son étourdissement avait duré moins d’une minute. Et pourtant la foule avait nettement diminué.

Elle attendit que son cœur reprenne un rythme normal avant de se décider à gagner le bar. Maintenant Elle était en retard.

— Bonjour Lisa.

La jeune femme se retourna brusquement, surprise d’être ainsi abordée dans ce quartier.

— Peter, mais que fais-tu ici ?

Elle s’arrêta soudain, consciente de l’incongruité de sa question. Peter Monoghan était décédé trois ans plus tôt d’un cancer généralisé dû au surmenage, à l’alcool et surtout à l’abus de cigarettes. Et il se trouvait face à elle, vêtu du costume bleu que Lisa lui avait toujours connu. Ses épaules étaient plus voûtées, son visage plus pâle que dans ses souvenirs. Il lui souriait.

— Tu es resplendissante, comme toujours.

Lisa chercha les mots, mais n’en trouva aucun. Peter leva la main et un taxi s’arrêta aussitôt. Il ouvrit la portière et indiqua l’intérieur du véhicule à Lisa. Celle-ci s’assit, toujours incapable de parler.

— Je vous amène où ? lança le chauffeur avec un large sourire.

Lisa fut surprise de voir un visage blanc, cela faisait des années qu’elle n’avait pas pris un taxi conduit par un blanc.

— Au Madison Square Garden, dit Peter.

— C’est parti, lança l’homme en se retournant.